Rapport Sénat N°673 sur les crises sanitaires et outils numériques

Extraits rapport sénat n°673


p130 « B. UN COMPROMIS À ASSUMER : DES MESURES INTRUSIVES MAIS PLUS CIBLÉES ET LIMITÉES DANS LE TEMPS Le présent rapport propose donc de recourir bien plus fortement aux outils numériques dans le cadre de la gestion des crises sanitaires ou des crises comparables (catastrophe naturelle, industrielle etc.), notamment en vue de contrôler au niveau individuel le respect des mesures imposées par la situation, et y compris si cela implique d’exploiter des données de manière intrusive et dérogatoire. »


p8 « C. GARANTIR LE RESPECT DES MESURES SANITAIRES La grande spécificité de la crise du Covid-19, et le cœur du présent rapport, concerne le recours aux nouvelles technologies dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire, en particulier pour assurer ou contrôler le respect des restrictions sanitaires : applications de contact tracing, de tracking ou de géolocalisation, pass et passeport sanitaires, utilisation de drones ou de caméras thermiques etc. – sans compter les immenses perspectives – et les risques associés – qu’ouvrent les technologies numériques pour l’avenir. »

p13 « d) Le premier pass sanitaire Premier pays touché mais aussi premier pays à lever les restrictions, la Chine a, dès le mois de mars 2020, mis en place un dispositif analogue à ce qu’est aujourd’hui le « pass sanitaire », adopté par la France et la plupart des pays européens (cf. infra). À l’époque, pourtant, il était bon ton de s’inquiéter de la « surveillance généralisée » induite par un tel dispositif, de l’avènement d’une « dictature sanitaire » et du « virus de l’autoritarisme ». »

p40-41 « La Commission européenne indique que le certificat vert constitue une mesure temporaire, qui sera suspendue dès que l’OMS aura déclaré la fin de l’urgence sanitaire internationale liée à la pandémie de Covid-19. Il semble toutefois peu probable – et pas souhaitable – que ce système, une fois mis en place sur le plan technique, ne soit pas a minima conservé ensuite dans un état de « veille », prêt à être réactivé facilement en cas de nouvelle menace épidémique. En réalité, il est même assez probable qu’il devienne un dispositif permanent »

p51 « En recoupant ces données avec d’autres, que détiennent les mêmes entreprises, il serait donc possible de déterminer si un individu se rend au travail ou plutôt chez des amis ou de la famille, s’il exerce une profession « essentielle » lui permettant de sortir de chez lui ou non, s’il a récemment eu des conversations privées au sujet de l’organisation d’une soirée rassemblant plus de dix personnes, ou s’il a effectué des achats en vue d’une telle soirée. »

p56 « Enfin, dans les situations de crise les plus extrêmes, les outils numériques pourraient permettre d’exercer un contrôle effectif, exhaustif et en temps réel du respect des restrictions par la population, assorti le cas échéant de sanctions dissuasives, et fondé sur une exploitation des données personnelles encore plus dérogatoire. Ces outils sont les plus efficaces, mais aussi les plus attentatoires aux libertés – mais une fois de plus, il serait irresponsable de ne pas au moins les envisager, ne serait-ce que pour se convaincre de tout faire en amont pour ne pas en arriver là. De nombreux cas d’usages sont possibles, et notamment :

- Le contrôle des déplacements : bracelet électronique pour contrôler le respect de la quarantaine, désactivation du pass pour les transports en commun, détection automatique de la plaque d’immatriculation par les radars, portiques de contrôle dans les magasins, caméras thermiques dans les restaurants etc. ;

- Le contrôle de l’état de santé, via des objets connectés dont l’utilisation serait cette fois-ci obligatoire, et dont les données seraient exploitées à des fins de contrôle ;

- Le contrôle des fréquentations, par exemple aller voir un membre vulnérable de sa famille alors que l’on est contagieux ;

- Le contrôle des transactions, permettant par exemple d’imposer une amende automatique, de détecter un achat à caractère médical (pouvant suggérer soit une contamination, soit un acte de contrebande en période de pénurie), ou encore la poursuite illégale d’une activité professionnelle (commerce etc.) en dépit des restrictions. »


p57 « Appliqué au confinement, le raisonnement serait le suivant : chaque sortie de mon domicile comporte un risque, non seulement pour moi-même mais aussi pour le système de santé dans son ensemble. Si je préfère malgré tout disposer de ma liberté d’aller et venir, et que je sors effectivement de chez moi, il est légitime que j’assume en contrepartie une fraction du surcoût payé par la société du fait de l’épidémie, par exemple sous la forme d’une petite hausse de mes cotisations sociales si le nombre ou la durée de mes sorties excède un certain seuil. »


p58 « Plus la menace sera grande, plus les sociétés seront prêtes à accepter des technologies intrusives, et des restrictions plus fortes à leurs libertés individuelles – et c’est logique. »


p83 « Le numérique permettrait d’adopter une toute autre logique : au lieu de repérer une fraction dérisoire des infractions mais de les sanctionner très sévèrement, il serait théoriquement possible d’atteindre un taux de contrôle de 100 %, et d’alléger les règles en conséquence. »

p102 « Si une « dictature » sauve des vies pendant qu’une « démocratie » pleure ses morts, la bonne attitude n’est pas de se réfugier dans des positions de principe, mais de s’interroger sur les moyens concrets, à la fois techniques et juridiques, de concilier efficacité et respect de nos valeurs. »

p159 « En effet, tout est affaire de proportionnalité. Face à une crise « modérée », qui appelle surtout des mesures de « freinage » pour éviter la surcharge des hôpitaux, nous pourrions nous limiter à quelques outils d’information et de coordination bien pensés. Ce serait déjà un progrès. Face à une menace un peu plus grave, on pourrait imaginer l’envoi automatique d’un SMS à tout individu qui s’éloignerait de son domicile pendant le couvre-feu, à simple titre de rappel et sans aucune remontée d’information. Dans les cas les plus extrêmes, des mesures plus fortes ou coercitives pourraient s’avérer indispensables : ainsi, toute violation de quarantaine pourrait conduire à une information en temps réel des forces de l’ordre, à une désactivation du titre de transport ou des moyens de paiement du contrevenant, ou encore à une amende prélevée automatiquement sur son compte bancaire, comme le font des radars routiers. »

Rapport Complet :

r20-6731.pdf

Rapport Synthèse :

r20-673-syn.pdf